Quand tout va bien, il me suffit de m’asseoir et de laisser un article devenir ce qu’il veut. Il y a toujours au moins une chose à laquelle je pense, plus ou moins liée au jeu de photos de la semaine, qui semble vouloir se poser sur la page. C’est toujours en rapport avec quelque chose dont j’ai déjà parlé, ou avec quelque chose dont je veux parler et dont je parlerai, quand l’occasion se présentera.
Les photos de cette semaine ont été prises dans l’ancienne maison à la campagne que C.L. et A.S. vont rénover. C’était assez intrigant pour moi de visiter cette maison, qui ressemblait un peu à mon ancienne maison avant qu’elle ne soit vidée. J’essayais de décrypter quel genre de vie les anciens habitants de ce bâtiment avaient pu mener.
C’est la vieille maison de quelqu’un d’autre. La mienne est si pleine de souvenirs que la visiter revient à revisiter ma propre vie et celle des membres de ma famille, penser à ceux qui ne sont plus là, et la revisiter à nouveau dans les rêves qui suivent. Pas dans celle-ci, immobile et silencieuse mais qui s’ouvre, semblant attendre une nouvelle génération pour la faire sienne.
En regardant mes enfants jouer sous les derniers rayons chauds du soleil de novembre dans le jardin, j’ai essayé d’imaginer à quoi ressemble le même jardin sous une grande lumière de lune. Cela m’a fait penser aux fossiles dont j’ai parlé récemment, et à la lumière des étoiles lointaines, qui nous parvient longtemps après leur disparition.
La photographie crée des témoignages du passé, un à la fois, avec chaque nouvelle photo prise. Elle entretient une relation forte et évidente avec d’autres formes d’investigation du temps : l’histoire, l’archéologie, la paléontologie, mais aussi les travaux de détective ou de journalisme. Une vieille maison, qui semble comme si ses habitants étaient partis en vacances et n’étaient jamais revenus, est-elle une photographie grandeur nature ? Ou un terrain de jeu pour le détective ou le reporter ? Je ne suis ni l’un ni l’autre, je suis à la poursuite de l’impossible, un reporter raté du monde invisible.
Et pourtant, je ne peux m’empêcher de me demander. Qui habitait cette maison, qui étaient-ils ? En fin de compte, l’image manque ; il n’y a pas de portrait dans le cadre.
Il me semble que la maison a cessé de diffuser sa musique il y a longtemps. Je ne l’entends pas. Mais il n’est pas difficile d’imaginer le futur son de la musique et les rires qui résonneront bientôt en son sein. Les “haha” qui n’ont pas encore été prononcés.
Vieilles maisons, archives futures, albums de famille, enregistrements pour les amoureux des livres.
Images du passé, sons du futur, mais la vie, c’est maintenant.
Un grand merci à C.L. et A.S. !